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L'histoire de Laurent I : Le départ

Dakota Clark | D'Iberville, Mississippi


Le soleil brillait à travers la fenêtre, et Laurent regardait les rayons autour sa chambre. Ses yeux étaient secs, parce qu’il a souffert d’avoir passé une autre nuit blanche. Trop de pensées, trop de soucis, trop de questions sans réponse. Il était quatre heures du matin, et dans quatre heures de plus, il fallait qu’il parte au travail. Il se leva lentement en se frottant les yeux, sachant que la journée passera autant lentement. Laurent n’avait jamais un horaire ; selon lui, ça serait « plutôt contraignant ». En allant à la salle de bain, il enjamba plusieurs livres qui étaient dispersés partout. Le jeune homme avait une grande curiosité à propos de n’importe quelle idée. La science, la littérature, la philosophie, aucun sujet n’était hors de son intérêt.


Peut-être que je n’irai pas au travail aujourd’hui. Sa carrière n’était pas désagréable, en fait c’était aussi bon que possible pour un homme récemment diplômé : une position dans une banque coopérative en tant que caissier. Ses collègues étaient gentils, sa patronne était juste, le travail quotidien n’était pas vraiment terrible, mais il ne voulait pas rester là. Son désir ultime était de retourner à l’université, où il pourrait naviguer sur l’océan du savoir. Mais son destin ne le lui permettrait pas ce petit bénéfice ; non, il lui faut travailler pour vivre jour après jour, rien d’autre.


Eh bien, je le voudrais, mais ce n’est pas pratique. Un peu plus, Laurent. Puis, à l'université. Il alluma la douche et commença à se brosser les dents. Il se regarda dans le miroir et se trouva avec un air épuisé. Laurent passait ses nuits typiquement en songeant à des choses fabuleuses et bizarres, donc, il ne se sentait jamais reposé, et ses yeux le montraient au monde entier. Creux, sombre, presque caverneux, la fatigue demeurait dans ces orbes ténébreux. Après s’être brossé les dents, il entra dans la douche pour se laver et réfléchir un peu avant de devoir faire ses corvées à la banque. On pourrait dire que la meilleure capacité de Laurent était de réfléchir. Certes, il avait bien du temps pour ça, et il passait presque toutes ses journées et ses nuits plongé dans ses pensées, sauf les moments où il fallait faire preuve d’attention, comme le travail manuel ou répétitif. Je me demande ce que l’on ferait si l’argent n’existait pas. On troquerait, peut-être ? Avec quoi ? Des choses ? Des services ? Voilà le mécanisme de pensée du jeune homme tôt le matin; tous les jours, la même chose—les idées bizarres, les scénarios lointains, les futurs possibles. Et puis, Laurent se rendit compte qu’il avait faim.


D’habitude, Laurent ne déjeunait jamais à son travail, parce qu’il prenait toujours un grand petit-déjeuner avant de partir. Selon sa logique, c’était plus sain, puisque deux repas font moins que trois. Bien sûr, il avait l’air d'un squelette — très grand, fort mince, et pâle comme un os. Et ce matin-là, il prépara trois œufs (assaisonnés avec du poivre, du thym, et du sel), cinq tranches de lardon, une tranche de pain grillé tartinée de confiture et de beurre, une orange entière, et une tasse de thé vert sans sucre. Il s’était assis à la table de cuisine, ses yeux fixés sur le repas qui s'étendait devant lui. C’est le week-end, Laurent. Tu peux te reposer et lire. Ça sera très bien, non ? De plus, il y a le nouveau livre que tu as acheté hier soir. Rousseau, si je me souviens bien. Après quelques minutes, il commença à petit-déjeuner, en prenant son temps. L’horloge sonna sept heures, il reste seulement une heure avant le début de la journée de travail. Laurent se ferma les yeux et soupira, puis il rangea la cuisine, lava les assiettes, s’habilla bien et attendit huit heures moins quinze.


Quand l’heure arriva, il sortit de sa maison, entra dans sa voiture, et alla directement à la banque. Il ne conduisait que pour aller au travail, partout ailleurs il marchait ou prenait les transports publics, parce que la banque était assez loin de chez lui, à environ vingt ou trente minutes de route. En se garant, il vit ses collègues venir comme une caravane, l’un après l’autre. Les salutations typiques furent exprimées ; celles de Laurent étant toujours courtes et franches. Il approcha sa station, alluma son ordinateur, et se prépara mentalement pour encore une autre journée à « piocher ».


* * *


Il est dix-huit heures. Enfin. La banque fermait d’habitude plus tard que d’autres, parce que le président-directeur général voulait donner une impression d’hospitalité et de qualité. Donc, tous les employés étaient obligés « d’être positifs et prêts à aider nos clients n’importe comment. » Laurent ne partageait pas ce sentiment ; à son avis, s’il exécutait son travail sans erreurs, pourquoi ajouter la façade de positivité ? En tout cas, il se présentait avec l’air de cordialité. Avant qu’il puisse éteindre son ordinateur et fermer sa station, sa patronne lui appela de son bureau. Curieux. Qu’est-ce qu’elle veut ? Laurent alla vers le bureau de sa patronne, entra et attendit pour sa parole.


« Ah, Laurent, assieds-toi, s’il te plaît. » Il lui obéit et s’asseya sur la chaise directement devant sa patronne. Il fixa son attention sur elle — une grande et vielle femme, mais énergétique, malgré son âge. Laurent l’aima bien, et la considéra comme équitable, mais un peu désinvolte.


« Vous m’avez appelé, madame ? »


« Oui, euh … eh bien, Laurent, ce n’est pas facile pour moi, alors, je vais te le dire franchement. Il faut mettre fin à notre contrat d’emploi. Désormais, tu ne travailles plus ici. Je suis vraiment désolée, mais je ne peux rien y faire. »



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